Tu es papillon, tu es jasmin,
Ton nom tinte dans le vent.
Lin Fo-Eul (poète taïwanais)
Je suis légère.
Tu souffles et je m’envole.
Et puis je suis perdue, affolée, en tous sens. Je me cogne aux murs et à tout ce qui pique.
Tu dis que je dois changer, et devenir plus lourde.
Ne plus être bouleversée à la moindre brise qui passe.
Ne plus suivre toute entière la première chose qui accroche.
Je n’ai qu’un seul moyen de ne pas faire naufrage, c’est arrimer ma barque.
Bien sûr, ceux qui acceptent l’embarcation perdue sont souvent sans scrupule et profitent de l’aubaine. Ils utilisent le rade, et quand il a pris l’eau, fendu de toutes parts, ils l’abandonnent en mer. Tu m’as connue ainsi et tu veux que je change. Tu crois que de trois planches je deviendrai cargo.
Je suis légère et c’est aussi ma force.
Je me faufile partout et me pose en tout lieu. Tant pis si ça fait mal, car je n’ai pas d’armure. Moi, j’ai vu. Je ne reste pas là, comme une statue décente, à vivre correctement en attendant la mort. Je me trompe sans cesse, je prends mille et un coups, je repars en morceaux, recommence, et cherche. J’ai connu plusieurs terres, même les plus dangereuses. J’ai fui des ennemis qui m’ont presque tuée. Et je suis là.
Aujourd’hui face à toi, je te dis « prends ma main ».
Et toi tout occupé à vivre correctement, tu me dis « vis pour toi ».
Je ne sais pas faire cela, je suis inconséquente et mon voyage se fait soit en virevoltant prise dans des vents contraires, soit tenue fermement.
Je te demande ta main.
Et ton corps. Pour me coucher près de toi, et cesser de voler.
Je suis fatiguée. J’ai besoin de ta main qui s’ouvre, et me prend.
Mais tu me dis « sois forte ».