« Je cherche vainement neuf mots qui pourraient vous inspirer. »
Madame est à son bureau, Edmond, en livrée et gants blancs, est debout tout près d’elle.
Madame semble soucieuse.
Edmond : Une chanson de Björk ?
Madame : Mais non, voyons, nous sommes surannés.
Edmond : Il est vrai, surtout moi. Un abbé médiéval, alors, dans une abbaye sombre ?
Madame : Dans la contrainte, il est dit « avec plaisir », ton contexte est glaçant. Et Dieu me préserve de glisser des ébats dans un lieu sacré !
Edmond : Madame est bien morale…
Un couple, en promenade, sur le même chemin ?
Madame : Là, pour le coup, c’est presque trop facile.
Edmond : Donc l’idée du champagne est du même acabit.
Une correspondance, alors ?
Madame : Bon, Edmond, ça suffit. Tout ça est trop banal.
Edmond : Je cherche vainement neuf mots qui pourraient vous inspirer, Madame.
Un amour platonique, et néanmoins charnel ?
Madame : Ah, là, tu m’intéresses. Quels mots me dirais-tu ? *
Edmond : (Criant soudain)
Touffe ! Bouquet ! Fou ! Grelot, et puis frissonne !
Madame : (Gloussant, visiblement émue)
Reprenez-vous, Edmond.
Edmond : (Il prend la main de Madame)
Soleil, ébloui, bonheur et sacrifice.
Madame : (Elle caresse tendrement le front du domestique)
Mon ami, vous êtes fiévreux, venez que je vous soigne.
* A partir de cette réplique, l’auteure remercie l’autre Edmond, le Rostand, pour sa contribution au texte.
[ Photo : Anne Brochet dans le rôle de Roxane, Cyrano de Bergerac, 1990 ]